Du 15 Janvier au 12 Mars 2023, la première saison de la série The Last of Us fut diffusée par la plateforme HBO outre-Atlantique, et par Prime Video chez nous. Voici avec spoilers, ce que j’ai retenu de ces 9 épisodes au sein d’un univers familier.
Avant-propos
Pour être honnête, la principale raison pour laquelle cette série piqua ma curiosité, c’est parce qu’elle adapte une franchise de jeux vidéos que je connais bien et que j’apprécie beaucoup. Franchise qui par son réalisme, sa mise en scène, et l’authenticité de ses personnages, partage beaucoup de points communs avec le grand écran.
J’étais curieux de voir la manière dont allait être transposé un jeu de cet acabit. Tout en sachant que les adaptations vidéoludiques qui sont à la hauteur du matériau d’origine, ça ne court pas les rues. Je pense à des films comme Détective Pikachu, les films Sonic dont j’ai déjà parlé ici, et le tout récent Super Mario Bros (on en reparlera très bientôt de celui-là). Mais bref, il est temps pour moi de dire ce que vaut cette première saison de The Last of Us en tant qu’adaptation et surtout en tant que série à part entière.
Critique
J’y reviendrais un peu plus en détail au fil de l’article, mais je peux déjà dire que sur la forme, cette série est une fidèle adaptation du premier jeu. L’histoire reste à peu près similaire dans son déroulement, et de nombreuses scènes clés ont même été refaites à l’identique. Comme ce moment bouleversant lors du passé de Joël avec la mort de sa fille Sarah au tout début de la pandémie. Ce qui nous donne un premier aperçu du jeu d’acteur déjà convaincant d’un Pedro Pascal, et de la talentueuse Nico Parker qui ressemble trait pour trait à son actrice de mère qui n’est autre que Thandiwe Newton. L’incroyable Maeve dans la série Westworld entre autres.
Mais je trouve que cette version n’est jamais aussi qualitative que lorsqu’elle s’éloigne du matériau de base. Notamment durant des prologues en début d’épisode nous ramenant quelques années, voire plusieurs décennies dans le passé. Afin de raconter ce que le jeu ne nous a pas dit concernant les origines du virus, et le destin de certains personnages. Mon préféré étant celui qui introduit l’épisode 2. Avec cette scientifique indonésienne qui après avoir vu le virus de ses propres yeux, en parfaite connaissance des propriétés du cordyceps et de sa faculté de développement, en tire une conclusion alarmante. Faute d’antidote, le seul moyen d’enrayer la propagation est de rayer la ville de la carte. Ça calme.
Ces séquences inédites sont bienvenues, car elles apportent du contexte et de la profondeur au récit. Le plus bel exemple est l’épisode 3 unanimement considéré à juste titre comme le meilleur de tous. Alors que paradoxalement, c’est celui qui s’écarte le plus du jeu. On y retrouve bien le personnage de Bill ici incarné par un Nick Offerman aussi bourru que touchant. Mais dans un contexte totalement différent, et un destin chamboulé par l’arrivée impromptue de Franck interprété par Murray Bartlett. Si cet épisode a tant marqué, c’est surtout grâce à l’alchimie incroyablement émouvante qui opère entre ces deux-là. Une histoire d’amour qui semble suspendue dans le temps au sein d’un monde en proie au chaos, et qui se conclut de la plus belle des manières.
En termes d’esthétique et de photographie, la série s’en tire avec les honneurs. En plus de nous offrir certains plans somptueux et fidèles aux jeux. Toutefois, je trouve le rendu trop « cheap » et pas assez délabré pour un monde qui est censé être post-apocalyptique. Surtout au niveau des décors réels qui n’ont pas toujours l’air d’avoir subi les affaires du temps. Et une végétation me donnant l’impression d’avoir été disposée çà et là afin pour faire comme si la nature avait repris ses droits. Ça manque de naturel.
Constat similaire pour les personnages principaux qui demeurent propres en presque toutes circonstances. Je ne demandais pas à ce qu’ils soient pleins de crasse et poussiéreux pendant toute la série (même si niveau hémoglobine ça y va). Mais franchement, j’ai pas souvenir d’avoir vu Ellie et Joel transpirer une seule fois alors que de nombreuses situations s’y prêtaient.
Musicalement parlant, la série nous fait profiter à nouveau des compositions de Gustavo Santaolala laissées telles quelles. Des mélodies si reconnaissables à la guitare, et ayant grandement participé à donner une aura à cette franchise. Cette fois-ci, il a été épaulé par David Flemming, Jake Staley et Juan Luqui qui apporteront leur propre touche et se mariant bien avec l’ensemble.
Venons-en au sujet qui fâche le plus concernant cette adaptation. Le cas des Infectés. Dans les jeux vidéos, ils représentaient la menace principale de ce monde et pouvaient contaminer quiconque soit par la morsure, soit par des nuages de spores. Mais la série a changé quelques éléments qui, pour les moins controversés, se limitent à la disparition des spores, et la présence d’un système de communication par réseaux de racines qui n’a jamais été exploitée au-delà de l’épisode 2.
En revanche, pour l’un des changements les plus controversés, leur temps d’exposition est très réduit avec même des épisodes entiers où l’on n’en voit pas un seul. Ceci faisant qu’ils ne représentent que trop rarement une véritable menace pour nos deux protagonistes. Après tout, Ellie est naturellement immunisé contre eux et ne craint aucune morsure. Et Joel a davantage à craindre de ses congénères, mais j’y reviendrai.
Pourtant, ça partait bien avec la partie de « cache-cache » de l’épisode 2. Oppressante à souhait, et où Joël et son équipe tentent de se frayer un chemin en silence dans un lieu clos. Tout en étant encerclés par des claqueurs au rugissement si caractéristique. L’une des rares fois où on les verra pleinement à l’œuvre avec l’épisode 5 qui pour moi est l’apogée de la série en termes d’action, d’intensité, et d’infectés. La cerise, ou devrais-je dire le champignon sur le gâteau, étant le déchainement du colosse. Un boss ô combien coriace dans les jeux, mais qu’on ne reverra plus dans cette saison à mon grand regret.
C’est franchement dommage. Surtout que ces créatures ont bénéficié d’un soin fort appréciable côté maquillage et interprétation. Mais j’imagine que c’était voulu de la part des showrunners afin de se concentrer davantage sur l’humain. D’ailleurs, parlons-en.
Par bien des aspects, l’homme peut se révéler être plus dangereux que les Infectés. Une dangerosité incarnée d’abord Kathleen (Melanie Lynskey). Personnage créé spécifiquement pour la série, mais qui ne m’a pas tant impacté que ça malgré sa « longévité » dans la série et sa cruauté. Mais le pire de tous étant David le cannibale. Brillamment interprété par Scott Shepherd, et qui dans l’épisode 8 m’aura autant mis mal à l’aise que dans le jeu.
J’ai été touché par le parcours des frangins Henry (Lamar Johnson) et le cadet Sam (Kevonn Woodard) qui viennent eux aussi du premier jeu. À la différence que le Sam de cette série est atteint de surdité tout comme son interprète dans la vie réelle. L’obligeant à communiquer soit par le langage des signes, soit via une tablette papier à l’écriture effaçable (une idée de génie soit dit en passant). Rendant les scènes d’interactions et de dialogue entre lui et Ellie d’autant plus touchantes. Ce n’était pas les personnes les plus hostiles envers le duo, mais le passif d’Henry n’a rien de reluisant et il le dit lui-même à Joel. Au point où il ne vaut pas mieux que les pires crapules de cet univers. Comme quoi la notion de bien ou de mal n’a plus aucune valeur ici. La seule chose qui compte est la survie à n’importe quel prix.
Et ça, une certaine Tess (Anna Torv) l’avait très bien comprise. Pour moi le meilleur personnage féminin juste derrière Ellie. Une femme forte qui n’a pas peur de se salir les mains, et l’un des rares individus à pouvoir tenir tête à Joel. Sans son sacrifice héroïque à la fin de l’épisode 2 (et qui est plus « explosive » que dans le jeu), elle aurait largement été capable d’accompagner ces deux-là jusqu’au bout. D’ailleurs, j’ai trouvé un peu étrange sa scène finale du « baiser de la mort ».
J’ai beaucoup apprécié le fait de revoir certains visages et voix familières du jeu. Comme Merle Dandridge qui incarnait déjà Marlene physiquement. Troy Baker le doubleur de Joel que l’on retrouve dans l’épisode 8 aux côtés de de cher David. Et Ashley Jonhson qui, en plus d’être l’Ellie du jeu, donnera naissance à l’Ellie de la série en intro de l’épisode 9 (qui fut étonnamment court). La boucle est bouclée.
Pour être honnête, aussi bon acteur qu’il soit, Pedro Pascal n’est pas le premier choix qui me serait venu à l’esprit pour incarner Joel. Si l’on ne s’arrête qu’au physique, d’autres auraient très bien pu faire l’affaire. Cependant, il ne faut pas oublier une chose primordiale dans ce milieu. C’est que le rôle d’un acteur est de jouer un rôle. Et c’est uniquement sur sa qualité d’interprétation qu’on est en droit de le juger. Pas sur son apparence ou à sa fidélité au matériau d’origine.
Ne pas aimer un choix de casting est une chose. Mais dire qu’une adaptation sera mauvaise, juste parce que notre acteur fétiche n’a pas été retenu, c’est un profond manque de jugement. Dans un sens, je suis content que ces levées de boucliers aient eu lieu, pour la simple et bonne raison que l’excellente performance de Pascal les a tous balayés d’un revers de la main.
Sincèrement, je vais peut-être manquer d’objectivité, mais j’imagine mal comment il aurait pu mieux coller au personnage. Que ce soit dans les moments les plus calmes, les plus tendus, ou les plus drôles, il est d’une justesse exemplaire. Et sa descente aux enfers suite au drame lié à sa fille, est même mieux racontée que dans le jeu. On suit le parcours d’un homme qui a perdu ce qui lui était le plus cher. Devenu par conséquent une machine à tuer quasiment dépourvue d’humanité et rongé peu à eu par le temps. Et ce, jusqu’à ce que le destin aille le mettre sur le même chemin qu’un certain personnage.
Ce personnage n’étant nul autre qu’Ellie. Joué par Bella Ramsay que j’avais découvert dans Game of Thrones où elle incarnait la peu bavarde mais charismatique Lyanna Mormont. Cette même série où Pascal était déjà présent en tant qu’Oberyn Martell, mais dont les routes ne se sont jamais croisées dans cette série. Le monde est petit au sein du grand écran.
Là où Pascal incarnait un Joel quasi identique au jeu, Ramsay accentue davantage le caractère déjà bien trempé de son personnage. Plus arrogante, plus grossière, encore plus violente (j’imagine même pas ce que ça va être dans la saison 2), mais pas moins attachante avec ses blagues pourries et son innocence d’un monde qu’elle n’a pas connu avant la pandémie.
Et tout comme son père de substitution, elle s’en sort avec brio malgré les critiques virulentes qui la donnaient déjà perdante avant le commencement de la série. L’épisode 8 étant celui où surgit (au sens propre) toute l’étendue de son talent. L’évolution de sa relation avec Joel est à l’image du jeu, parfaite. Au point où ce dernier a été contraint par amour, de faire un choix difficile et lourd de conséquences. Aussi bien pour ce monde, que pour son futur avec Ellie. Le fameux « Dilemme du tramway » (ou « Trolley Problem » en anglais).
Une complicité qui crève l’écran, et dépasse même le cadre de la série. Vous savez quel surnom Pascal a donné à Ramsay ? « Bellie ». Doux mélange entre Bella et Ellie. Je trouve ça beaucoup trop chou.
Conclusion
Cette adaptation de The Last of Us au format sériel est pour moi une franche réussite. Aussi bien en tant que série avec un rythme qui tient en haleine tout du long. Qu’en tant qu’adaptation avec quasiment tous les codes du jeu qui sont respectés parfois à la lettre près. Le contraire aurait été étonnant sachant qu’en plus de Craig Mazin qui a réalisé la très encensée série Tchernobyl, le codirecteur de Naughty Dog et réalisateur des jeux Neil Druckman, était lui aussi aux commandes.
Toutefois, le degré d’appréciation variera selon notre connaissance du jeu d’origine. Dans mon cas, je pense que j’aurais encore plus aimé cette adaptation si ma découverte de cet univers était totale lors du premier visionnage. Et là, je m’adresse à ceux qui ont vu uniquement la série et qui ont apprécié. Essayez à tout prix le premier opus. Peu importe si c’est sur PS3, PS4, PS5 ou PC. Pour moi comme pour beaucoup de joueurs, il fait partie des grands classiques du jeu vidéo. Et il y a beaucoup plus d’Infectés dedans. Vivement la saison 2 dont on a déjà la confirmation que Bellie reprendra le rôle.
J’ai envie de terminer par une question pour ceux qui connaissent la fin. Qu’auriez-vous fait à la place de Joel vis-à-vis d’Ellie ? Vous pouvez me répondre en commentaires.