Critique Ciné : Les 8 Salopards par Quentin Tarantino

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8ème film de Quentin Tarantino, voici ma critique ciné des Huit Salopards, un Western en huit clos rassemblant 8 personnages haut en couleurs. Et ça commence à faire pas mal de « 8 » d’un coup…

Réalisateur & Scénariste : Quentin Tarantino
Producteurs : Richard N. Gladstein, Shannon McIntosh, Stacey Sher
Compositeur : Ennio Morricone
Directeur photo : Robert Richardson
Casting : Samuel L. Jackson (Major Marquis Warren), Kurt Russell (John Ruth), Jennifer Jason Leigh (Daisy Domergue), Walton Goggins (Sheriff Chris Mannix), Demián Bichir (Marco), Tim Roth (Oswaldo Mobray), Michael Madsen (Joe Gage), Bruce Dern (Général Sanford Smithers)
Genre : Western, Horreur
Sortie : 6 Janvier 2016 (2h53 min)

Avant-propos

Dans ce 7ème art qu’est le Cinéma, innombrables sont les réalisateurs et scénaristes que les décennies auront vu défiler, mais rares sont ceux qui ont marqué durablement l’histoire du média. De par leur filmographie, techniques de tournage, thèmes abordés, contexte historique, acteurs et j’en passe. Je pense notamment à feu Alfred Hitchcock, Steven Spileberg, Georges Lucas et tellement d’autres (que j’oublie) parmi les « parrains » du genre. Et mes coups de cœur perso comme Michael Mann, Martin Scorsese, Brian De Palma, Christopher Nolan et celui qui va nous intéresser ici, Quentin Tarantino.

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Uma Thurman et Quentin Tarantino sur le Tournage de Kill Bill

Beaucoup seront d’accord, même sans forcément aimer ce qu’il fait, qu’il a apporté énormément au cinéma et a su, en une petite dizaine de films, à imposer son propre style et sa couleur (et je ne parle pas seulement d’hémoglobine). À tel point qu’on finira par le surnommer « l’enfant terrible du Cinéma ». Par exemple, ça ne court pas les rues les réalisateurs comme lui qui ont le cran encore aujourd’hui, de structurer leur film en chapitres, et parfois même dans le désordre.

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Tout ca pour dire que Tarantino est un de mes réalisateurs et scénaristes préférés. A l’heure où cette critique est publiée, j’ai du voir 7 films de sa filmographie (celui-ci inclus). Les Kill Bill (2003-2004), Pulp Fiction (1994), Inglourious Basterds (2009) et Django Unchained (2013) étant mes préférés. J’apprécie beaucoup son souci du détail apporté aux dialogues. Le soin apporté à l’image et la mise en scène. La place de la musique dans ses films. Et surtout, le travail derrière le développement des personnages principaux ET secondaires. Bref vous l’aurez compris, j’aime ce qu’il fait.

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Tous ces « codes » se retrouvent quasi systématiquement dans ses films, le rendant identifiable au premier coup d’œil. Je sais que c’est un style auquel beaucoup n’y accrochent pas et je le conçois. D’ailleurs, on lui reproche ces dernières années de ne pas assez se renouveler, avec la même soupe servie à chaque fois. Certes, mais est-il utile de reprocher à Tarantino de faire du Tarantino ? Surtout si le résultat est assez souvent de bonne qualité ?

Et bien, il se trouve que Les Huit Salopards (The Hateful Eight en VO), est un film qui tranche radicalement dans ce qu’il avait l’habitude de faire. Et il n’a absolument rien à voir avec Django qui est lui même un Western. Allons, couvrez-vous de vêtements chauds, préparez vos chevaux et vôtre diligence car on part pour un voyage mouvementé dans le brouillard américain à travers cette critique ciné.

Synopsis

Peu après la Guerre de Sécession aux USA en plein milieu du 19ème siècle, l’histoire suit le périple de deux chasseurs de primes. Le 1er, John Ruth, fait route en plein blizzard vers Red Rock afin d’y livrer sa prisonnière, la tumultueuse Daisy Domergue, condamnée à la pendaison pour meurtre. Le second est le Major Marquis Warren, un ex-soldat qui passait dans le coin. Ces trois-là feront par la suite connaissance avec Chris Mannix, le nouveau Shérif de Red Rock selon ses dires. Avec leur diligence, ils trouveront refuge dans une auberge, abritant d’autres personnages énigmatiques. Mais ce qui est sur, c’est que parmi ces 8 énergumènes, au moins un n’est pas celui qu’il prétend être

Esthétique

Le soin apporté à l’aspect visuel est une des grandes qualités du film. Tourné en grande partie dans l’état du Colorado, on sent clairement que les décors réels sont privilégiés au détriment des effets spéciaux. C’est beau à voir, surtout au travers de certains panoramas enneigés. Panoramas que l’ont doit en grande partie au directeur photo, Robert Richardson, qui a déjà collaboré avec Tarantino dans le passé. D’autant plus que les acteurs ont réellement tournés dans des conditions climatiques peu enviables, et ca se ressent. Un bon point pour le réalisme et l’immersion.

Le film est aussi monté au format 70mm, qui diffère du format classique, le 35mm, par sa plus grande résolution d’image et un nombre accru de détails. Peu de salles dans le monde sont équipées de cette technologie, et je n’ai malheureusement pas pu en profiter. Mais j’imagine sans doute le confort visuel qu’aurait apporté ce format.

 

Bonne mise en scène également, avec des plans maitrisés, et ce tout le long du film. Film qui est sacrément violent par moments. Pas seulement esthétiquement avec je ne sais combien de litres de sang écoulés, mais aussi dans le langage très cru et l’attitude des personnages. C’est de l’humour noir à l’état brut. Clairement, ce n’est pas un film destiné aux plus jeunes. Mais les habitués des films de Tarantino ne seront pas surpris, ça fait parti de son style.

Scénario

Le scénario est bien raconté et tient la route de bout en bout. Le seul reproche que je pourrais lui faire, c’est le temps assez long que celui-ci prend pour s’installer au début, notamment présenter ses personnages (qui sont plutôt bien développés au passage). D’ailleurs, le film dure 3h, ce qui n’aide pas franchement pour les moins patients. Mais passé la première moitié du film, celui-ci prend son envol et devient réellement captivant.

Ce qui m’amène directement au plus gros point fort du film selon moi, son excellente écriture. Malgré le fait qu’il soit très bavard, les dialogues sont savoureux et les personnages le rendent extrêmement bien. Sachez que çe n’est pas parce que y a beaucoup de parlotte dans un film que c’est forcément chiant. Chaque mot à son importance. Une phrase qui peut paraître anodine est souvent lourde de sens au fil du film. Je l’ai vu dans une VF plus que correcte, alors j’imagine même pas le pied que ça serait en VO

Le film est découpé en chapitres, ce qui n’est pas une première pour le réalisateur comme je l’ai dit plus haut. Ça plaira (ou non) à qui le voudra, mais moi j’ai apprécié, sauf peut être une chose. Le narrateur (qui est Tarantino lui même), débarquant sans prévenir entre 2 chapitres pour résumer l’histoire et teaser la suite. Ça m’a un peu sorti du film, même si ça a toutefois son intérêt scénaristique.

Une atmosphère de tension permanente plane autour des personnages, qui passent leur temps à se dévisager, se mentir, et se menacer. Le suspense est bien maintenu et les revirements de situation sont légion. Puis avec des personnages aussi antipathiques, on se doute que ça va fatalement partir en vrille à un moment donné, mais difficile d’anticiper qui allumera la mèche en premier. Sinon, le film sait aussi être drôle si il le faut, notamment avec le « Running Gag » de cette fameuse « porte« 

D’ailleurs, ce film a failli ne jamais voir le jour à cause d’une fuite du script, survenue seulement quelques jours après que Tarantino finalise l’écriture du scénario en Janvier 2014. On ignore encore aujourd’hui qui en était le responsable, mais ça avait sacrément découragé le réalisateur, renonçant même à faire le film pour finalement le transformer en un roman. Mais il finira par changer d’avis en Mai de la même année, avec le résultat qu’on a déjà sous les yeux.

Distribution

Tarantino a toujours su bien s’entourer. Beaucoup d’acteurs avec lesquels il a collaboré figurent parmi les grosses pointures du Cinéma. Comme par exemple Bruce Willis, Uma Thurman, Robert De Niro, Leonardo DiCaprio, Kurt Russel, et etc…Mais il a également ses « habitués« , qui au fil de sa filmographie, reviennent à la charge. Un peu comme ici, ou les 3/4 des acteurs ont déjà joué dans ses précédents longs métrages. Fin de la parenthèse.

Concernant la prestation de ces 8 Salopards, c’est un quasi sans faute. Tous sont très bons voire excellents dans leur rôle. À commencer par un des acteurs fétiches du réalisateur, Samuel L. Jackson, que je n’ai pas vu à un si haut niveau depuis Pulp Fiction, un des 5 films de Tarantino où il a joué.

Ici, il tient le rôle titre du Major Marquis Warren, un chasseur de primes aussi malin qu’impitoyable quand il le faut, et qu’il incarne avec brio. D’ailleurs, son monologue racontant ce qu’il a fait à quelqu’un m’a mis sur le cul. Monologue qui est d’ailleurs accompagné d’une belle mélodie, marquant un tournant du film selon moi.

Il en va de même pour Kurt Russell et sa magnifique moustache, qui est le « rival » de Warren car lui aussi chasseur de primes , incarnant un John Ruth très déterminé à en finir avec son butin et partenaire malgré lui, l’antipathique Daisy Domergue, jouée par Jennifer Jason Leigh. Tous deux forment un duo assez comique avec les roustes régulières qu’il s’échangent à longueur du film. Les autres ne sont pas en reste. Walton Goggins aka le Sheriff, très bon lui aussi. Tim Roth dans le rôle de Oswaldo Mobray, (qui me rappelle furieusement l’excellent Christoph Waltz dans Django). Seuls « légères » déceptions, Michael Madsen alias Joe Gage un peu en retrait selon moi, et un autre dont je tairais le nom (de peur de Spoil) mais qui surgit un peu de nulle part à un moment clé du film.

Tarantino avait exprimé l’envie d’en faire une pièce de théâtre, ce qui n’est pas surprenant. Car les acteurs livrent une prestation assez théâtrale au final et le film s’y prête bien. Reste à voir si il gardera les mêmes acteurs ou non.

Bande Son

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On la doit à Ennio Morricone, qui est juste un des compositeurs et chefs d’orchestre les plus renommés au monde. Vous avez forcément du entendre une de ses musiques, même sans le savoir. The Ecstacy Of Gold du western Le Bon, la Brute et le Truand (1966), c’était lui, ainsi que d’autres grands westerns spaghetti des années 60 qu’il aura entièrement composé. D’ailleurs, Les 8 Salopards est le premier western entièrement composé par ses soins depuis Buddy Goes West (1981).

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Concernant l’OST, on est dans un trip orchestral qui n’est pas sans rappeler les anciennes compositions d’Ennio. Dont The Thing de John Carpenter (1982), où certains partitions non utilisées ont été récupérés dans Les 8 Salopards. Ce qui explique l’atmosphère inquiétante que retransmet la musique à certains moments, assez loin d’un Western classique pour le coup. Tarantino a d’ailleurs dit lui même que d’apparence c’était son 2ème Western, mais que dans le fond, c’est son premier vrai film d’horreur. Tout ça pour dire que ce film et l’OST se complètent.

D’ailleurs, les clins d’œil à The Thing ne se limitent pas qu’à la Bande Originale. Le cadre, le contexte et même les acteurs ont servis d’inspiration pour le film de Tarantino. Une auberge isolée en plein brouillard, des personnages qui ne se font pas confiance, et Kurt Russel avec 35 ans de moins (mais déjà avec une belle moustache). A la seule différence que Tarantino nous a épargné des créatures pas très appétissantes du film de Carpenter.

Conclusion

Tarantino aurait pu se reposer sur ses acquis ou réutiliser ses codes à outrance, mais il en est rien, ou presque. Pour avoir vu presque toute la filmographie du réalisateur, je peux dire que les 8 Salopards est un des films où il aura pris le plus de risques. En tentant par exemple, une nouvelle approche avec le genre « horreur », hérité de John Carpenter. 

Puis en tant que film, c’est du très bon cru dans le fond comme dans la forme. Avec un casting et une prestation globale de grande qualité. Une très bonne OST avec un retour triomphal d’Ennio Morricone dans un western. Un scénario bien ficelé et riche en rebondissements, couplés avec des dialogues bavards certes, mais d’anthologie. Une qualité visuelle et une mise en scène tous deux très travaillées. Franchement, ce n’est pas évident de trouver des reproches à ce film, à moins de ne pas être fan du genre. Un film à voir absolument, au moins une fois.

 

Merci à ceux qui auront lu jusqu’au bout

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