Le 30 Novembre 2012, la Wii U débarquait en Europe et inaugurait par la même occasion la 8ème génération de consoles juste avant la PS4 et la Xbox One. Une décennie après sa sortie, je souhaitais revenir sur cette machine en évoquant son parcours, ses accessoires, ses logiciels, et sa ludothèque.
Une console tuée dans l’œuf par Nintendo

Les ventes arrêtées au 30 Septembre 2022 – Source : nintendo.co.jp
Quiconque est un minimum renseigné sur le média sait que la Wii U a été un échec commercial sans précédent pour Nintendo. Durant sa courte existence, elle ne s’est vendue qu’à 13,6 millions d’exemplaires à travers le monde. Faisant d’elle la console de salon la moins vendue de la firme (sans compter le Virtual Boy) juste derrière la Game Cube qui table à 21,7 millions, et la Nintendo 64 à 33 millions. Et histoire d’enfoncer encore plus le clou, c’est presque 8 fois moins que son aînée la Wii qui a dépassé les 100 millions.
Cette déconvenue est dû en grande partie à sa communication désastreuse qui débuta à l’E3 2011 où elle fut révélée pour la première fois. À commencer par son nom ne pouvant que porter à confusion et semer le doute quant à la vraie nature de cette Wii U. Ça aurait pu être pertinent pour une version améliorée de la Wii, mais certainement pas pour une nouvelle machine. Je reste convaincu que si le sigle avait été différent, elle aurait eu un tout autre destin. Et personnellement, je n’ai jamais pu me faire à cette appellation..
D’autant plus que la firme avait eu l’idée de « génie » durant cette conférence E3, d’introduire une nouvelle génération de console sans montrer ladite console. Le focus s’étant essentiellement fait sur le GamePad et son gameplay asymétrique qui passait davantage pour un accessoire que pour la manette principale. Et la présence de périphériques de la Wii ne nous aidait pas à y voir plus clair. Même si on apprendra dans la foulée que la Wii U sera entièrement rétrocompatible avec la ludothèque de sa prédécesseure.
Et le pire dans tout ça, c’est que la Wii U ne tiendra même pas ses promesses initiales. Notamment la possibilité d’utiliser deux GamePad à la fois qui ne se sera jamais concrétisé faute d’une base d’installation suffisamment grande, et de la courte durée de vie de la console selon les dires de Reggie Fils-Aimé. Même si ça n’aurait probablement pas changé grand-chose à son destin mis à part un prix encore plus élevé. Sachant qu’un GamePad coûte environ 99€ à l’unité.
D’ailleurs il avait aussi été annoncé que le périphérique serait vendu seul à sa sortie. Un mensonge de plus car ce n’est devenu possible qu’en 2015 et d’abord au Japon alors que la Wii U était déjà en fin de vie, et que sa remplaçante « NX » faisait déjà parler d’elle. Jusqu’à cette date, il fallait racheter la console entière si le GamePad avait le malheur de tomber en rade.
Une aberration. Définitivement un cas d’école de tout ce qu’il ne faut pas faire en termes de marketing pour vendre un produit.
La machine finira par sortir l’année d’après au prix de 299€ pour le modèle 8 Go, et 349€ pour le 32 Go. Soit 50 et 100€ plus cher que la Wii. À l’époque, c’était la machine la plus coûteuse jamais vendue par Nintendo. Un tarif qui faisait déjà jaser pour une console à peine plus performante qu’une PS3, et qui allait très vite se faire rattraper par la PS4 et la One qui sortiront peu de temps après. Mais ça, on s’en doutait un peu depuis que Nintendo avait décidé de freiner leur course à la puissance depuis la Wii. En laissant le hardware en retrait pour se focaliser davantage sur l’expérience de jeu et leurs licences phares.
Ce qui m’amène à parler du lineup de sortie de la Wii U qui avec du recul, était loin d’être extraordinaire malgré la présence d’une bonne vingtaine de jeux. Avec d’abord les trois plus gros accompagnateurs du lancement de cette nouvelle machine qu’étaient New Super Mario Bros. U, ZombiU, et Nintendo Land (inclus dans le pack 32 Go).
Même si ces jeux étaient plus que corrects, je trouve encore aujourd’hui que ça fait pas franchement rêver. Même avec l’appui des tiers de chez EA, Ubisoft, Activision et autres qui étaient encore confiants après le succès fulgurant de la Wii. En proposant de nombreux jeux multi-plateformes déjà sortis chez la concurrence comme Assassin’s Creed III, Batman Arkham City Armored Edition Darksiders II, Call of Duty Black Ops II, FIFA 13, Mass Effect 3, Sonic & All-Stars Racing Transformed ou encore Tekken Tag Tournament 2.
Mais ce soutien sera de courte durée. Il n’aura pas fallu longtemps aux tiers avant de raccrocher définitivement les wagons avec la Wii U. La faute d’abord à des ventes en deçà de leurs attentes. Ce qui est la raison principale d’un des plus gros coups de poignards envers Nintendo qu’était le report de Rayman Legends par Ubisoft. Autrefois prévu exclusivement sur Wii U à sa sortie, pour être finalement décalé à plus tard en même temps que sur PS3 et 360. L’autre obstacle étant l’architecture très spécifique de la console indissociable de son GamePad, obligeant les développeurs tiers à repenser entièrement leurs jeux pour que la magie opère. Ce qui les aura fait fuir petit à petit.
En définitive, un départ vraiment compliqué qui n’aura fait que précipiter le déclin de la Wii U.
Matériel
Wii U GamePad
Concernant le principal périphérique de la Wii U, je trouve encore aujourd’hui que c’était une bonne idée sur le papier. Le fait de pouvoir basculer d’un moniteur à un autre, et continuer sa partie sur l’écran du GamePad même quand la TV était éteinte. À condition que la console soit dans la même pièce ou pas trop loin. C’était un peu comme avoir une grosse console portable entre les mains. Dans la pratique, ça marchait plutôt bien mais d’autres problèmes sont venus s’ajouter à l’équation.
L’un d’eux étant la navigation dans certains menus qui ne pouvait pas se faire si le GamePad n’était pas allumé. Notamment dans les paramètres de la console où on nous demande carrément de le mettre en route si ce n’est pas fait. Même avec une Manette Pro ou autres, ça ne suffisait pas.
L’autre souci, c’est que le GamePad est exploité de manière inégale même chez les jeux purement Nintendo (le même problème que la Wiimote à l’époque). L’exemple qui m’a le plus marqué étant Star Fox Zero où il fallait quasiment regarder deux écrans en même temps. Alors que cet opus aurait énormément gagné à proposer une jouabilité alternative avec la Manette Pro.
Mais il reste tout de même une poignée de bons exemples qui tirent pleinement parti des fonctionnalités de ce périphérique. Chez les tiers, deux des jeux de lancement qu’étaient ZombiU et Batman Arkham City Armored Edition s’en sortaient très bien. Ce dernier étant une version spécifiquement développée pour la Wii U.
Manette Pro
L’alternative principale au GamePad fut la Manette Pro. À sa sortie et avant que la PS4 et la One n’arrivent sur le marché, c’était l’une des meilleures de sa catégorie. Et également une des meilleures manettes « classiques » que Nintendo ait réalisées avec celle de la Game Cube. Par son rapport qualité prix avec un tarif de lancement à 49,99€, son ergonomie, et surtout son endurance sans égal avec ses 80h d’autonomie sur batterie.
En revanche, son design n’avait rien de révolutionnaire et demeurait assez proche des manettes Xbox à un placement de joysticks et de boutons près. De plus, elle ne bénéficiait pas de certaines fonctionnalités du GamePad comme le gyroscope et le NFC qui servait pour ce qui va suivre.
Amiibo
Les Amiibos. Ces fameuses figurines coûtant
un bras environ une quinzaine d’euros pour celles qui ne sont pas trop rares. À l’effigie des personnages de Nintendo et de ceux qui ont côtoyé de près leur univers. Leur design étant inspiré des trophées de la saga Super Smash Bros avec un socle contenant la puce NFC à connecter sur le GamePad. Ce qui permettait de transférer sa progression de personnage dans le cas de Smash Bros, ou d’ajouter du contenu sur un jeu compatible à la manière d’un DLC.
Je n’oublierai jamais l’annonce qui leur était dédié lors de l’E3 2014. Un trailer mythique où l’on voyait les anciens dirigeants japonais et américains de Nintendo qu’étaient feu Satoru Iwata, et Reggie Fils-Aimé, se bastonner avec une mise en scène digne d’un anime.
Les débuts des Amiibos furent assez mouvementés pour certains modèles. Avec un Marth dont le visage a été massacré (et renommé « Merth » par les fans pour l’occasion), ou une Samus armée de deux canons pour ne citer qu’eux. Depuis, leur finition s’est pas mal améliorée. Encore heureux après plus de 8 ans et presque une centaine de modèles différents.
Personnellement, je n’ai eu que très peu d’intérêt pour ces Amiibo. Que ce soit pour leur fonction de base qui n’intéresse plus personne aujourd’hui, ou pour la collection. Pour preuve, l’unique exemplaire de Fox McCloud que j’ai en ma possession à date, n’est même pas un achat mais un cadeau qui m’aura été offert.
Adaptateur manettes GameCube
Si la console virtuelle de la Wii U avait intégré officiellement les jeux GameCube, cet adaptateur aurait fait d’elle la plateforme d’émulation légale ultime de jeux Nintendo. Compatible avec une poignée de titres dont Mario Kart 8 et Super Smash Bros for. Wii U, il « fonctionne » également sur Splatoon mais les touches de la manette ont quelques problèmes de compatibilité. Un accessoire pas aussi indispensable que la manette Pro mais bien utile. Au point où il me sert encore pour ma Switch.
Logiciels
La Wii U n’avait pas énormément d’applications en comparaison avec la Wii et ses nombreuses chaînes. Mais ça restera toujours plus que la Switch qui à l’heure où cet article est publié, n’a toujours pas de navigateur internet pour ne citer que celui-là. Après 6 ans, je pense qu’on peut définitivement faire une croix là-dessus. Mais revenons à la Wii U et ses deux applications majeures.
eShop / Console Virtuelle
Boutique en ligne ayant d’abord vu le jour sur 3DS en 2011, puis quelques mois après sur Wii U dès sa sortie, l’eShop de cette dernière proposait à travers sa Console Virtuelle, une large variété de titres de presque toutes les anciennes générations de consoles Nintendo. L’Europe avait droit à 89 jeux NES, 49 jeux SNES, 70 jeux Game Boy Advance (mais pas de Game Boy tout court), 21 jeux N64, 31 jeux DS, et 28 jeux Wii en dématérialisé. Cela inclut aussi le PC-Engine avec 18 jeux. Et histoire de rester sur les tiers, la Wii U n’avait pas eu droit à des jeux Neo Geo ou Megadrive comme c’était le cas pour la Wii.
Cet eShop, je le regrette beaucoup et je vais encore plus le regretter en 2023. Car il fermera définitivement le 27 Mars prochain. Laissant derrière lui un catalogue fourni et varié. Davantage que la Switch en 2022 alors qu’elle a une plus grande longévité. Et en plus de cela il n’y avait pas besoin de payer un abonnement en ligne pour pouvoir y jouer à l’image des jeux du Nintendo Switch Online et certains du NSO+.
Miiverse
La Wii aura introduit les Miis, la Wii U aura vu l’arrivée du Miiverse. Le réseau social de Nintendo qui vit le jour à une époque où les grosses plateformes d’aujourd’hui étaient encore relativement jeunes. Dès la sortie de la Wii U en 2012 puis l’année d’après sur 3DS, pour finalement être clôturé en 2017. L’idée était de rassembler des joueurs au sein de communautés de jeux et services Nintendo, et partager du contenu sur un « mur » à l’image d’un Facebook. Cela se limitait à des captures d’écran de jeu, des dessins fait sur le GamePad, ou simplement du texte. Pas de photos ou de vidéos en dehors de la Wii U.
Alors autant mon expérience personnelle du Miiverse fut relativement tranquille, autant en voyant comment certains l’utilisaient, j’ai compris pourquoi Nintendo a coupé court avec ce service. Ce réseau n’étant pas aussi réglementé que les autres, il n’était pas rare de tomber sur des publications assez étranges qu’on ne verrait jamais ailleurs. Aussi bien de la part de très jeunes joueurs, que de plus âgés. Souvent c’était extrêmement drôle, parfois ça en devenait malsain.
Pour vous en convaincre, je vous invite à consulter quelques archives des publications les plus saugrenues sur le compte Twitter @BadMiiversePosts (en anglais), et sur choualbox ici et là en français. Attention les yeux car y a de sacrées perles.
Au final c’était un service très loin d’être parfait mais qui personnellement me manque un peu et restera unique en son genre. J’ai même pris soin de garder une archive de toutes mes publications pour ne rien oublier. D’ailleurs dans les dernières heures du Miiverse, Nintendo publia un très bel hommage regroupant les messages d’adieux des utilisateurs. Pour voir l’image en HD c’est par ici.
Jeux
Avant de conclure, j’aimerais revenir sur la ludothèque de la Wii U sans trop rentrer dans les détails de chaque jeu (ça fera peut-être l’objet d’un top dans un futur proche). Qui à défaut d’être abondante, est indiscutablement de qualité. J’en veux pour preuve les nombreux portages ayant vu le jour sur Switch qui leur ont permis d’être connus d’un public qui ne possédait pas la précédente machine. Et vu les ventes citées plus haut, ils sont très nombreux.
On y retrouvait des valeurs sûres comme le magnifique Mario Kart 8. Le très généreux Super Smash Bros for. Wii U. Le rafraîchissant Super Mario 3D World. L’immense Xenoblade Chronicles X. L’exceptionnel Donkey Kong Country: Tropical Freeze. L’incroyable Bayonetta 2. L’angoissant Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires. Et Pikmin 3 dont j’ai entendu du bien mais que je n’ai pas encore fait à ce jour.
Des nouvelles licences comme le tout premier Hyrule Warriors, The Wonderful 101, Fast Racing Neo. Et nouveaux concepts bien sympathiques qui exploitaient à fond le GamePad comme Captain Toad: Treasure Tracker et Super Mario Maker. Sans oublier l’ovni Splatoon au succès inattendu.
Et bien entendu, je ne peux pas parler de cette ludothèque sans mentionner les jeux Zelda la constituant. Le remaster HD de Wind Waker, et Breath of the Wild. Deux opus qui ne sont même pas exclusifs à la Wii U. Le premier étant déjà sorti sur GC il y a 20 ans, et le second ayant accompagné le lancement de la Switch. Certaines licences phares de Nintendo manquaient à l’appel comme Metroid (qui se contentera d’une apparition dans Nintendo Land). Et je regrette très fortement le fait que Star Fox Zero par sa qualité assez discutable, ait probablement tué une des sagas majeures de Nintendo.
Conclusion
En tentant de surfer sur le succès de son aînée, la Wii U s’est complètement ramassée et ne s’en sera jamais complètement relevée. La faute à un marketing foireux qui d’emblée aura scellé son destin définitivement. Un GamePad parfois bien utilisé, souvent renié. Qui sur la durée ne rendit ni service ni à Nintendo, ni aux éditeurs tiers qui ont tous lâché l’affaire. Et des jeux certes de qualité, mais peu nombreux et trop espacés dans le calendrier de sortie.
Néanmoins, ça reste une console très importante et marquant un tournant majeur dans l’histoire de la firme. Sans cette déconvenue, la Switch n’existerait pas et n’aurait jamais eu le succès qu’on lui connait en allant même jusqu’à réaliser l’objectif initial de sa prédécesseure. Dépasser l’indépassable Wii.
D’ailleurs avec du recul, cette Wii U a peu de choses à envier à son successeur. De par ses exclusivités qui ont presque toutes été portées sur Switch et ayant fortement contribué à sa renommée. Une véritable Console Virtuelle d’une qualité et d’une richesse que sa grande sœur n’aura peut-être jamais. Et surtout du fait que c’est la dernière console Nintendo à proposer du Online gratuit.
Définitivement une bonne console que je suis content d’avoir gardé tout ce temps. Et qui m’aura fait vivre de bons moments vidéoludiques. De votre côté, quel souvenir gardez vous de la Wii U ?